Le droit de vote et d’éligibilité des femmes en Suisse a 50 ans : faut-il fêter ou faut-il s’indigner ? Ce dilemme est présent ou latent dans tous les discours produits autour de ce jubilé. La tendance générale est à l’indignation que tout cela soit finalement si récent ; que la Suisse qui se considère une démocratie ait pu s’accommoder de l’exclusion des femmes ; que les hommes aient longuement résisté à la demande des femmes de participer à la vie politique. Le bilan de ces 50 années n’est pas brillant non plus : les femmes sont toujours minoritaires dans les postes politiques. L’égalité peine à se réaliser dans les exécutifs et parlements. Dès lors, de quoi pourrait-on bien se réjouir pour garder le sens du jubilé ? Certainement de l’audace des femmes à mener 100 ans de lutte pour accéder aux droits politiques, 50 ans pour exercer pleinement ces droits. Peut-être aussi saluer les forces progressistes qui soutiennent la lutte pour l’égalité.

Dans la commune de Meyrin, les femmes exercent le droit de vote et d’éligibilité depuis 1960, lorsque le canton de Genève a adopté le suffrage féminin, une décennie plus tôt que la confédération. Une femme, Renée Pellet, a eu l’audace d’ouvrir la voie en se portant candidate aux élections organisées pour remplacer un adjoint au maire. Elle sera élue au détriment de ses concurrents masculins. Renée Pellet ne faisait partie d’aucun parti politique. Elle s’était présentée comme indépendante, membre du Collectif des femmes de Meyrin. Ce choix, pratiqué aujourd’hui encore, interroge sur l’attractivité des formations politiques pour les femmes et sur leur rôle dans la promotion de l’égalité en politique : combien de femmes comptent les partis politiques, y a-t-il une division sexuée du travail, y a-t-il une attention à l’égalité, combien présentent-ils de candidates, pourquoi si peu d’élues, etc ?

En effet, le tout n’est pas d’accorder les droits politiques à une catégorie de la population qui en était privée, encore faut-il lui permettre de les exercer pleinement.

Cela nécessite une démarche proactive de la part des institutions, des organisations participant au jeu démocratique. Celles-ci doivent veiller à la représentativité en leur sein de tous et toutes les citoyennes pour mieux porter leurs préoccupations, mais aussi lever les obstacles dressés par une socialisation différenciée et des stéréotypes encore tenaces.

Le parti écologiste a bien saisi cet enjeu. La section genevoise a modifié ses statuts en 20.. pour y inscrire le principe de parité des listes électorales. Cette disposition qui a mené le parti à travailler à la participation des femmes porte ses fruits. A l’occasion des élections complémentaires au niveau cantonal, 4 femmes ont manifesté leur intérêt et l’une d’elle a été choisie comme candidate Verte. Son élection ardemment souhaitée augmenterait le nombre de femmes au Conseil d’État, rapprochant ainsi le Conseil d’État de la parité.

La section de Meyrin s’inscrit dans la politique cantonale et va plus loin encore pour réaliser l’égalité. Elle a opté pour une coprésidence tenue par une femme et homme. Ses listes électorales respectent le principe de parité. La section a souvent dû demander des dérogations plutôt que de renoncer aux candidatures féminines finalement plus nombreuses que les candidatures masculines. Elle confirme son ambition de féminiser le Conseil municipal où le groupe des Vert-e-s est le seul à réaliser la parité. Cette législature, le groupe compte même une majorité d’élues comme l’indique le tableau :

Ce résultat exemplaire dément l’argument selon lequel les femmes ne s’intéresseraient pas à la politique ou qu’il n’y aurait pas de femmes capables d’assumer les postes politiques. De tels arguments témoignent plutôt d’une organisation de l’exclusion de certaines catégories de la population à l’œuvre dans la société. La réalité montre que lorsqu’il y a de la volonté et un effort soutenu pour réaliser et maintenir l’égalité, les résultats positifs suivent. L’égalité ne se décrète pas, elle se fait. Une démocratie se donne les moyens de la participation de l’ensemble des citoyen-ne-s. C’est ce que les femmes demandent à la Suisse.

Dès lors, ce jubilé se présente comme l’occasion de (ré)affirmer notre attachement à la démocratie, un système où personne n’est exclu, mais tout le monde a le droit de participer à la construction d’un destin commun. Dans ce sens, le jubilé fête aussi l’avancée de la démocratie en Suisse. Et la section des Vert-e-s de Meyrin se félicite de contribuer à cette avancée.

Esther Um

1ère Secrétaire du Conseil municipal de Meyrin Co-responsable du GT Egalité femmes-hommes des Verts genevois