Esther Hartmann

Denis Bucher

  • Vu les recommandations de l’OMS pour tous les acteurs de la santé publique formulées notamment dans la « Stratégie mondiale pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé » adoptée en 2004;
  • Vu le point 3 du programme de législature 2020-2025 du Conseil administratif qui vise à favoriser et rendre accessible une alimentation saine et durable (pour toutes les générations);
  • Vu l’adoption du Plan directeur communal par le Conseil municipal le 15 décembre en 2020;
  • Vu le 6ème rapport du GIEC publié le 28 février 2022 portant notamment sur les conséquences du changement climatique sur le système alimentaire et les écosystèmes dégradés;
  • Vu l’adoption de la délibération n° 2017-29 permettant le financement des travaux de rénovation de la ferme de la Planche;
  • Vu l’adoption à l’unanimité du Conseil municipal de la résolution n° 2021-02 demandant que les restaurants scolaires offrent une alternative végétarienne lors des repas carnés;
  • Vu le dépôt de la résolution n° 2021-05 demandant de trouver des solutions pour éviter que des denrées alimentaires ne finissent à la poubelle en juin 2021;
  • Vu que la commission des travaux publics a décidé de surseoir au traitement du projet de délibération n°2022-03 relative à l’ouverture d’un crédit de construction en vue de la réalisation d’une cuisine de production scolaire unique par le Conseil administratif;
  • Vu la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984;

Le Conseil municipal demande au Conseil administratif :

  1. d’identifier les partenaires locaux pouvant contribuer en tant que producteurs et fournisseurs dans la politique d’alimentation durable communale et de les intégrer dans la planification de la restauration collective ;
  2. de vérifier avec ces acteurs, s’ils disposent de tous les outils nécessaires à la production des aliments utilisables dans la restauration collective ;
  3. de vérifier s’il est opportun de penser à la construction d’une seule cuisine centralisée ou s’il serait plus indiqué d’avoir plusieurs cuisines à taille humaine localisées au plus proche des mangeurs ;
  4. d’étudier la possibilité de lancer un projet pilote sur un ou deux sites déjà partiellement équipés et adaptés afin d’en mesurer le rapport risques-coûts-bénéfices ;
  5. de réfléchir à la part de la préparation de l’alimentation qui peut être externalisée à des entreprises, associations, fondations ou internalisée ;
  6. de tenir compte pour chaque proposition des critères suivants : alimentation biologique, alimentation végétarienne, circuits courts et agriculture contractuelle, qualité et fraîcheur des denrées, possibilité d’intégration dans des programmes éducatifs, réduction du gaspillage, participation citoyenne, durabilité sur le plan financier et économique ;
  7. de présenter les avantages et désavantages de différents scénarios alimentaires au Conseil municipal dans un délai de six mois selon les critères susmentionnés.

Exposé des motifs

Différents scandales sanitaires ont mis en avant le lien entre modes de production et risques sanitaires. Une agriculture de type industrielle, répondant avant tout à des exigences de rentabilité pour des acteurs privés (monoculture, variétés fragiles, destruction des sols, utilisation de pesticides, production mondialisée) conduit souvent à une production alimentaire de plus en plus déconnectée de l’environnement, des cycles saisonniers, de la qualité, ceci avec pour conséquence une atteinte à l’intégrité de notre environnement, aux droits fondamentaux humains ainsi qu’à notre santé.

Il suffit de se souvenir du scandale de la « vache folle », plus récemment des lasagnes qui n’étaient pas au bœuf, les chocolats à la salmonelle ou de tourner nos regards actuellement vers la production des fraises en Espagne, des avocats au Mexique ou encore sur les conditions nécessaires à l’obtention d’un litre d’une marque de soda bien connue pour mesurer les dérives malsaines qui mettent en danger notre environnement, la condition de vie des agriculteurs et notre santé à tous et à toutes.

Reprendre le pouvoir sur le contenu de nos assiettes représente donc un des enjeux essentiels pour maintenir un environnement de qualité, garantir les droits des personnes productrices de notre nourriture et, finalement, protéger la santé de nos concitoyens.

Notre Conseil municipal l’a bien compris en adoptant le 15 septembre 2020 un Plan directeur communal dans lequel la santé est posée comme l’un des axes majeurs dont il faut tenir compte dans son développement urbain. Le développement et la mise en place du concept de la « fourche à la fourchette » est clairement défini comme l’une des premières étapes afin d’apporter une alimentation saine à la majorité de notre population.

En effet, durant la construction de l’écoquartier des Vergers, les autorités communales ont donné l’occasion à nos concitoyens et concitoyennes de participer à l’élaboration de projets novateurs au sein de ce quartier. Elles ont donné la parole à différents acteurs et personnes concernées par la thématique de l’alimentation et compétentes dans le domaine agroalimentaire.

C’est ainsi qu’une filière agroalimentaire s’est développée au fil de la construction de l’écoquartier des Vergers, intégrant une coopérative agricole, des ateliers de transformation (boulanger, laitier-fromager, boucher), un supermarché participatif paysan favorisant les circuits courts, la maîtrise des déchets, la participation et la prise de conscience des enjeux autour de notre alimentation. Issu des démarches participatives, ce projet phare et fédérateur du quartier suscite un intérêt grandissant au-delà des frontières cantonales et nationales. L’écoquartier des Vergers est ainsi devenu le premier agro-éco-quartier de Suisse.

En parallèle, le Conseil municipal, sur proposition du Conseil administratif, a financé la restauration et la réhabilitation de la Ferme de la Planche afin qu’elle accueille la coopérative agricole de la ferme du quartier des Vergers, chargée de mener des activités agricoles, pédagogiques et d’entretien paysager au sein de l’écoquartier des Vergers. Cette ferme dispose actuellement de presque tous les outils nécessaires à la production agricole. La coopérative agricole des Vergers a été reconnue par le Conseil administratif comme entreprise agricole et devrait à l’avenir également être considérée dans l’attribution de terres communales au même titre que d’autres agriculteurs meyrinois.

Durant toutes ces années, notre Conseil municipal s’est donc penché régulièrement sur des thématiques liées à l’alimentation, notamment à celle des enfants fréquentant les cuisines scolaires. Plusieurs textes ont ainsi demandé une sensibilisation des enfants au gaspillage alimentaire ou encore l’offre d’une alternative végétarienne lors des repas carnés. Ainsi, au fil des ans, associations, coopératives, Conseil municipal et Conseil administratif paraissent avoir tiré à la même corde : celle d’une alimentation saine, respectueuse de l’environnement et des producteurs, produite localement et accessible au plus grand nombre. Cela semble encore le cas actuellement avec notamment la volonté exprimée par le Conseil administratif dans le point 3 de son programme de législature 2020-2025 : favoriser et rendre accessible une alimentation saine et durable (pour toutes les générations).

Pourtant, le dépôt récent d’une délibération par le Conseil administratif demandant un crédit supplémentaire pour la réalisation d’une cuisine centralisée pour la production des repas des restaurants scolaires de la commune a surpris nombre de conseillers municipaux.

En effet, s’il est indispensable de disposer d’une logistique adaptée à la production des restaurants scolaires de notre commune, le financement d’une cuisine centralisée aurait un impact majeur sur la stratégie alimentaire de la commune non seulement en termes logistiques mais aussi en termes politiques. Cette démarche, telle que prévue initialement, aurait exclu les acteurs de la filière alimentaire de notre commune du processus de réflexion et de la mise en place des outils de production des repas des restaurants scolaires.

Or, avant toute chose, il serait opportun de définir les partenaires pouvant fournir les produits alimentaires les plus sains et locaux pour la production des repas scolaires, de favoriser au maximum la proximité entre le ou les lieux de cuisine des repas et les assiettes des enfants, et de vérifier quels outils de production annexes permettraient de fournir des produits issus de circuits-courts.

Plus précisément, est-il souhaitable à long terme de garder un seul et unique fournisseur de repas ? Comment garantir la traçabilité des aliments fournis, leur proximité ? Quels sont les agriculteurs et artisans locaux pouvant contribuer à une alimentation saine de nos écoliers ? Est-ce qu’il faudrait continuer à développer des outils de productions alimentaires, par exemple avec la mise sur pied d’une légumerie ?

Poser ces questions nous permet de dépasser la seule question logistique de la production des repas scolaires.

Elles visent à recentrer les discussions sur les conditions nécessaires et indispensables à une alimentation saine, équilibrée et respectueuse de notre environnement. Elles tentent de mettre en cohérence le concept de « la fourche à la fourchette » avec l’identification des moyens concrets pour y parvenir. De plus, cela permettra de tester des critères clairement définis sur la base desquels il sera possible d’envisager un pilotage politique à moyen et long terme.

La difficulté que rencontre aujourd’hui l’administration communale est qu’il n’existe pas de service dédié à une politique publique autour de la santé et de l’alimentation. Il n’existe pas non plus de structure transversale – intégrant l’UTE, le DSE, le service des aînés, le service de la petite enfance, le service de la culture, le service de l’environnement – qui pourrait contribuer à définir une politique publique en partenariat avec des acteurs compétents de la société civile.

Or la question de comment répondre au besoin d’augmenter la production de repas dépend d’abord d’une politique publique dédiée à une alimentation saine et durable pour nos enfants, pour la santé des êtres vivants et de la planète.

Afin de continuer sur la voie que notre Conseil municipal ainsi que notre Conseil administratif ont instituée et défendue tout au long de ces dernières années, nous vous demandons d’accueillir favorablement cette motion.